Claudel et la Grèce

Qui fut Paul-Louis-Charles-Marie Claudel pour la Grèce? Que fut la Grèce pour Paul Claudel? Une admiration mutuelle a marqué cette liaison éternelle entre le fameux poète et dramaturge français du XXe siècle et le pays des neuf Muses de la tradition grecque… 

On admire le caractère universel dans l’oeuvre poétique et théâtrale de Paul Claudel (1868-1955), l’originalité de ses vers, la notion de la pureté et de l’admiration devant l’immense création divine, le cycle de la vie, décrits par exemple dans le poème "Corona Benignitatis Anni Dei", en 1915. Le but de Paul Claudel fut la conquête de la totalité de l’Être par la poésie et la « co-naissance » de Dieu et de soi-même. Parmi les éléments qui rendent à l’oeuvre Claudélienne son originalité, on compte des versets qui laissent entrevoir la passion de l’auteur pour la religion et l’écriture  religieuse dès 1886. Quant à la spécificité de son théâtre, elle se trouve dans l’abondance de références géographiques, historiques, culturelles, religieuses.

Il n’offre pas de vers simple qui resterait sur toutes les lèvres, mais il offre aux âmes la félicité la plus profonde…Le respect de la divinité fut son refuge, loin de la vulgarité de la vie, ainsi que la source éternelle d’une oeuvre de caractère chrétien. C’est ainsi qu’il a été connu en Grèce et dans le monde entier.

Le drame le plus lyrique de P. Claudel et le plus explicitement « sacré »,  L’Annonce faite à Marie (1912), dépasse toutes les frontières de la création spirituelle et atteint les frontières du chef-d’oeuvre, du génie. Le langage pur touche l’âme du spectateur grec d’une façon bouleversante, malgré les quelques problèmes techniques présentés pendant la mise en scène du drame par la troupe de Jean Marchat au Théâtre National d’Athènes, en 1947. L’inspiration religieuse élevée fait les spectateurs oublier les défauts scéniques et l’indifférence pour la réalisation visuelle du texte. 

La jeune fille Violaine monte au théâtre de Panthéon au mois de novembre 1944 par la troupe de Manolides-Aronis-Horn. La voix de la poésie y était bien forte et les visions bien claires mais le texte fut souvent considéré comme une expérimentation spirituelle sèche.

 Au festival d’Athènes de l’été 1964 on fait monter Jeanne au bûcher en libret de Paul Claudel et sous la musique d’Arthur Honneger; un spectacle merveilleux car le musicien a pu arriver avec son enthousiasme et sa force dans le monde des symboles et des caractères humains de Paul Claudel.

Beaucoup d’articles sur la vie et l’oeuvre de Paul Claudel ont été écrits par des grecs liés au monde de la littérature et du théâtre;  « Hommage à Paul Claudel » de Vassilios Kastriotis (Nea Estia, 1927), « Claudel et les autres » de Manolis Karagatsis (dans le journal Vradini, du 26 mai 1947), « Paul Claudel » de Giorgos Pratsikas (Nea Estia, 1955), « Paul Claudel : L’Annonce faite à Marie » de St. Spiliotopoulos (Akropolis, 10-4-1955), « Homère de Paul Claudel » de G. Stavrou (Avgi, 24-11-1959), « Takis Papatsonis – Paul Claudel : et la muse fut la grâce» de Barbara Papastavrou-Koroniotakis («K», Magazine de  Critique Littéraire et des arts, novembre 2004), « La présence scénique de Paul Claudel en Grèce du XXe siècle » de Kostatza Georgakaki, « Paul Claudel et la Grèce classique : sa relation avec Eurypides » de Barbara Papastavrou-Koroniotakis, Sujets Littéraires, no 31, janvier-avril 2006, (communication faite à l’ occasion de l’hommage rendu à Paul Claudel pour le cinquantenaire de sa mort  par l’ Université d’Athènes le 16-4-2005).

En ce qui concerne les oeuvres traduites du fameux poète et dramaturge français en grec, ce serait intéressant de souligner l’importance de la présence de Takis Papatsonis. Concernant sa traduction théâtrale du Partage de midi de 1987 fut exceptionnelle, tandis que celle de Tz. Tsiakiri (Théâtre Ilissia, 1998) a été caractérisée par la presse grecque comme «une traduction bavarde».

La traduction du drame de La jeune fille Violaine par Myrtiotissa a reçu une critique très positive, étant donné que les difficultés du texte original étaient évidentes.

St. Spiliotopoulos a traduit, lui aussi, La jeune fille Violaine et L’Annonce faite à Marie. Des critiques pour ces deux traductions ont été publiées dans le magazine Akropolis  du 4 mai 1952. L’Échange a été traduit par An. Staikos et par P. Pantazi.

L’amour de P. Claudel pour la Grèce et l’influence du monde grec étaient tellement importants qu’il avait pris la décision d’apprendre la langue grecque pour « goûter » les textes de l’antiquité grecque à leur forme originale.

De 1900 à 1908 il compose les Cinq grandes odes (publiées en 1910), dont la première -"Les Muses"- est une invocation aux neuf Muses de la tradition grecque et à leur mère, Mnémosyne, la Mémoire.

Il traduit Agamemnon, d’Eschyle et reste toujours attaché au théâtre de l’antiquité grecque. Il est important de noter qu’il y découvre le vers iambique qui a marqué toute sa poésie dramatique.

En 1959 où la troupe du "Vieux Colombier" fait monter L’Otage -son essai en prose sur Homère- des critiques pour la forme anti-théâtrale des drames de Paul Claudel apparaissent.

En 1988 sa pièce Protée monte pour la première fois au théâtre de Patras dans le cadre du 3e festival de Patras. Il est alors évident que les liens entre Paul Claudel et la Grèce ancienne et moderne furent toujours très forts.

Avec le temps Paul Claudel devient de plus en plus célèbre dans le monde. Et lorsque ce matin du 24 février 1955 le télégraphe annonce sa mort en Grèce, ceux qui aiment la poésie et le théâtre comprennent qu’une très grande voix s’est tue… Il est évident que même s’il n’est pas de nos jours en vie, il est vraiment vivant dans nos coeurs, parmi les lignes qu’on a héritées de lui… La France, la Grèce et le monde entier reconnaissent la contribution de Paul Claudel et lui donnent une place prépondérante dans l’histoire de la littérature universelle…

Maria Tsimpogianni