Approche historique et biographique

À l’inverse de ses contemporains André Gide ou André Suarès, Claudel ne possède guère de formation musicale. Dans sa jeunesse, suivant l’exemple de sa sœur Louise, il a tenté d’apprendre le piano, sans grand succès. Néanmoins, la musique a eu un rôle très important dans sa vie et son œuvre ; c’est ainsi qu’il a déclaré, dans ses entretiens avec Jean Amrouche : "Il est certain que j’ai toujours beaucoup aimé la musique et que la musique m’a beaucoup appris".

Lors de ses années d’étude, à Paris, Claudel se prit de passion pour la musique de Beethoven et surtout celle de Wagner, participant à l’enthousiasme dont faisaient preuve les symbolistes à l’égard du musicien : "nous sommes d’une génération qui a Wagner dans les moëlles", écrira-t-il plus tard à André Suarès. L’influence est multiple : la musique vient alors combler le vide métaphysique d’un monde sans Dieu et prépare, pour Claudel, la conversion définitive. Elle est aussi un modèle poétique abstrait, à la manière de Mallarmé, tandis que les mythes et légendes wagnériennes nourrissent profondément l’imaginaire claudélien. Enfin, la conception du gesamtkunstwerk wagnérien – l’œuvre d’art totale – imprègne sa conception de la scène.

La carrière diplomatique de Claudel sera l’occasion d’élargir ses horizons musicaux. Lors de son premier poste aux États-Unis, il se lia d’amitié avec Christian Larapidie, ancien violon de l’Opéra de Paris. Sa longue mission diplomatique en Chine de 1895 à 1909, entrecoupée de voyages divers et de séjours en France, allait le couper en grande partie de la musique occidentale, mais confirma son intérêt pour le théâtre oriental et sa musique qu’il avait découverte lors de l’exposition universelle de 1889. Revenu en Europe, il put reprendre la fréquentation des salles de concert et c’est, par exemple, avec une intense émotion qu’il assista, pour la première fois, à une mise en scène de Tannhäuser au Volksoper de Vienne en 1910. Au fur et à mesure des années, son enthousiasme pour Wagner se mua en rejet, et Berlioz s’imposera comme substitut, même si l’œuvre wagnérienne demeure la référence capitale.

Outre les trois grandes figures que représentent Beethoven, Berlioz et Wagner, Claudel a manifesté son intérêt pour bien d’autres compositeurs – Bach et Mozart notamment. Surtout, il a également porté son regard sur ses contemporains, parmi lesquels Debussy, Stravinski, Berg, et, naturellement, ses deux grands amis musiciens, Darius Milhaud et Arthur Honegger.

Pascal Lécroart

 

Bibliographie
– Léon Guichard, La Musique et les lettres en France au temps du wagnérisme, Paris, PUF, 1963.