Bulletin de la Société Paul Claudel, n°181

Sommaire

Renée NANTET
– Reine Amélie Sainte-Marie Perrin, 3

Michel BRESSOLETTE
– Correspondance Paul Claudel-Jacques Maritain, 7

Michel BRESSOLETTE
– Paul Claudel-Jacques Maritain : Correspondance 1921-1945, 21

Loukia EFTHYMIOU
– L’impact spirituel de Paul Claudel sur le milieu enseignant féminin entre les deux guerres, 47

– En marge des livres
Ouvrages du cinquantenaire
Christelle Brun : Le Jésuite et le Poète, par Xavier Tilliette, 52
Marie-Joséphine Whitaker : La Prose transfigurée, par Dominique Millet-Gérard, 55
Michio Kurimura : « Hommage à Paul Claudel » dans la revue Mita Bungaku, 60
Emmanuel Godo : Mémoires de Paul Claudel, sous la direction de Pascale et Didier Alexandre, 65
René Sainte-Marie Perrin : « Mémoires d’acteurs » dans la revue Les 4 Saisons, 68

– Manifestations du cinquantenaire (fin)
– Rencontres Marguerite de Navarre à la librairie Mollat à Bordeaux
    Dominique Millet-Gérard : Colloque « Présence de Claudel », 71
– Théâtre National Populaire de Villeurbanne
    Marie-Victoire Nantet : « Claudel et la musique », 72
– Manifestations au Japon
    Bernard de Montferrand : Discours à la Maison Franco-Japonaise, 73
    Tôru Haga : Commémoration de Paul Claudel au Japon, 75
    Shinobu Chujo : L’Oiseau noir dans le Soleil levant, 77
    Tetsurô Negishi : Dodoitzu. La Femme et son Ombre, 77
    Atsushi Ode : Exposition de photographies, 79
    Patrick De Vos : 2005 ou le nouvel essor de l’oiseau noir sur les scènes de l’archipel, 79
– Manifestations en Belgique
    Joseph Boly : Anniversaire de la mort de Paul Claudel, 84
– Université linguistique de Nijni Novgorod en Russie
    Héléna Mitropolskaya : Claudel à Nijni Novgorod, 87

– Bibliographie, 89
– Annonces, 93
– Assemblée générale (exercice 2005) : compte rendu 96 suivi des interventions des compositeurs :
Michel Decoust, 101
Yves Prin, 106

 

Correspondance Paul Claudel-Jacques Maritain 1921-1945

Entre Paul Claudel et Jacques Maritain point « d’incontinence épis­tolaire », selon l’expression de Mauriac. On ne compte, en effet, que vingt-six lettres ou cartes dont dix-huit signées par Claudel et huit par Maritain sur une période de vingt-quatre ans entre 1921 et 1945. La première lettre, celle de Claudel à Maritain, datée du 15 août 1921, fait état de lettres antécédentes, qui, pour l’instant, ne nous sont pas parve­nues.

Au moment où se situe le premier échange de ces lettres, Claudel, ambassadeur au Japon, vient de mettre au net le Soulier de satin et em­ploie son année de congé à voyager en France, en Italie et en Espagne. Il a rencontré Jacques Maritain le 7 avril 1921[1] grâce à Louis Massignon. Maritain, professeur à l’Institut catholique de Paris, est célèbre pour ses articles dans La Revue universelle, ses ouvrages de philosophie thomiste, notamment Art et scolastique et Antimoderne, et pour son rayonnement auprès d’écrivains, d’artistes, de convertis et de jeunes gens qui viennent le rencontrer à Meudon.

Claudel et Maritain appartiennent à des générations différentes – quatorze ans séparent Maritain de son aîné Claudel – et ils sont tous deux des convertis. Claudel, après une pieuse enfance, a connu, comme il le déclare, « le bagne matérialiste » avant de retrouver la foi. Maritain, qui est issu de la grande bourgeoisie républicaine et protestante libérale – son grand-père était Jules Favre, ministre des Affaires étrangères chargé de négocier le traité de Francfort – s’est converti sous l’influence de Berg­son et de Léon Bloy. C’est par saint Thomas que ces deux personnalités, assez opposées par le caractère et la formation, ont pu se rejoindre : durant son premier séjour en Chine (1894-1899) Claudel a été lecteur assidu de la Somme théologique, de la Somme contre les gentils et des Quaestiones disputatae. Maritain n’a commencé à lire saint Thomas que vers 1910, quatre ans après sa conversion. La certitude ontologique que Claudel affirme dans le verset de la troisième Ode : « Qui ne croit plus en Dieu, il ne croit plus en l’Être et qui hait l’Être, il hait sa propre exis­tence. Seigneur, je vous ai trouvé », Maritain la fait sienne et, significati­vement, met ce même verset en épigraphe du chapitre IV « Connaissance de l’Être » de son ouvrage Antimoderne. Il y a là un signe de communauté de pensée. Tous deux reconnaissent en Thomas d’Aquin leur maître. Le poète veut infuser l’essence du thomisme dans la poésie et la poétique contemporaines tout comme le philosophe qui poursuit un objectif parallèle en philosophie.

Relations et réticences cordiales

Les premières lettres inaugurent un temps de relations cordiales et respectueuses qui n’excluent pas certains dissentiments.

Dans la lettre du 9 juillet 1925, Claudel remercie Maritain pour son ouvrage qui vient de paraître Trois Réformateurs. Luther-Descartes-Rous­seau. En ces trois personnages symboliquement représentatifs, Maritain discernait les principes spirituels qui inspirent la modernité. La Réforme avec Luther marque l’avènement du moi. « Le moi de Luther devient pra­tiquement le centre de gravitation de toutes choses, et avant tout dans l’ordre spirituel »[2]. « Descartes ou l’incarnation de l’ange », c’est-à-dire que « le péché de Descartes est un péché d’angélisme, il a fait de la Con­naissance et de la Pensée une Perplexité sans remède, un abîme d’inquié­tude, parce qu’il a conçu la Pensée humaine sur le type de la Pensée angélique »[3]. Quant à Rousseau, Maritain ne voit en lui que « mimétisme de la sainteté, transposition de la vie héroïque en une religieuse délecta­tion de soi-même, ambition d’atteindre Dieu et la vie divine par la sensi­bilité et l’imagination affective : Jean-Jacques n’est-il pas le plus noble exemplaire de la mystique naturaliste du sentiment ? »[4] Les analyses de Maritain dénonçant l’individualisme, le règne d’une raison sèche et obs­tinée et l’émergence d’une intelligence antimétaphysique empirique et raisonneuse rencontrèrent l’assentiment de Claudel : « Vos pages font ressortir toute la tragique horreur de cette grande et sinistre figure », il s’agit de Luther présenté par Claudel comme « une espèce de Lucifer et de cyclope »[5]. Claudel se déclare en plein accord avec les pages de Maritain sur Descartes et sur Rousseau, et en profite pour faire part de ses réserves provocatrices : « J’avoue que je ne comprends pas bien les raisons du succès de ce très médiocre écrivain. Je n’ai jamais compris l’intérêt des Confessions qui me semblent un mauvais roman picaresque et la N[ouvelle] Héloïse réaliserait le summum de l’ennui si L’Éducation senti­mentale n’existait pas ». On reconnaît là l’outrance agressive de Claudel que Mauriac attribuait soit à l’espièglerie du génie, soit à une incons­ciente ruse, soit enfin à une verve énorme et irrépressible[6].

Non sans condescendance, Claudel reprochait à Maritain de con­fondre Réforme et Renaissance : « Si vous connaissiez mieux l’Italie et l’Espagne, vous ne parleriez pas ainsi. Non seulement la Renaissance n’a rien de commun avec la Réforme, mais elle est son opposé. Attaquée dans un coin par une bande de brigands, l’Église Catholique s’est défen­due avec l’Univers ». Cette lettre fait écho aux déclarations du Vice-roi qui, dans la scène 5 de la deuxième Journée du Soulier de satin, critique « les tristes réformateurs » d’avoir séparé « le croyant de son corps sécu­larisé » et séparé « du ciel la terre désormais mercenaire, laïcisée, asser­vie, limitée à la fabrication de l’utile ». S’ensuit l’éloge de Pierre-Paul Rubens qui a su glorifier la chair. Dans sa lettre, Claudel reprend l’éloge de la grandeur de la Renaissance et de la beauté des femmes peintes par un autre artiste, le Titien[7] : « Là où est la beauté, Dieu ne peut être ab­sent. Ces femmes sont belles comme les Collines éternelles ».

Maritain, dans sa réponse, reconnaît qu’une phrase rapide de son texte a pu faire croire qu’il confondait Réforme et Renaissance : il ne méconnaît pas la grandeur de l’art et de tout le mouvement concret de la Renaissance, mais ce dont il voulait parler « c’est de l’esprit, de la pointe intellectuelle et spirituelle de la Renaissance ». Il ajoute cette réserve importante à ses yeux : « Il était bon et juste de rassembler toute cette beauté, mais [la Renaissance] a trop oublié la Croix ». La grande époque pour Maritain est celle de la chrétienté médiévale qu’il admire mais pour laquelle il refuse toute nostalgie ou tout désir de restauration. À partir du XVIe siècle, aux yeux de Maritain, la pensée philosophique et, dans une certaine mesure, l’art et la spiritualité n’ont fait que dériver vers un affadissement. Claudel, en revanche, éprouve un amour de prédilection pour l’époque baroque dont il loue la vigueur, le mouvement et le jaillis­sement de vie. C’est là une première divergence d’opinion entre ces deux esprits. La lecture de l’histoire depuis le XVIe siècle est chez Maritain plus sombre et plus dramatique sans être pour cela pessimiste : « L’his­toire est impure et nocturne, elle est l’histoire du mal mêlé au bien et plus fréquent que le bien, l’histoire d’une humanité malheureuse en marche vers une très mystérieuse délivrance, et des progrès vers le bien qui s’y font à travers le mal et les mauvais moyens »[8]. Claudel, méditant sur la Réforme et aussi sur le Romantisme estime que, s’il y a eu catastrophes, ce ne sont pas pour autant des catastrophes sans compensation. Toutes ces hérésies dans le plan de Dieu étaient vraisemblablement nécessaires parce qu’elles ont permis des rectifications et des libérations.

On discerne semblables divergences, quelques années plus tard, lorsque Claudel remercie Maritain pour son livre Primauté du spirituel dans une lettre du 9 août 1927 : « J’ai lu avec une véritable admiration votre superbe livre sur la "Primauté spirituelle" [sic]. Il marque une date et un tournant. Il clôt une ère et il établit définitivement des principes ». Claudel voit bien que, plus qu’une réponse à Maurras, cet ouvrage traite non pas seulement du problème du maurrassisme, mais bien celui d’une conception chrétienne de la politique et de la culture, conçues dans la mouvance et la foi religieuses, mais appelées à se développer sur leur propre plan profane et temporel. En cela, Primauté du spirituel marque de façon éclatante une rupture avec le mouvement d’Action française et prépare les analyses d‘Humanisme intégral. Sur ce point l’accord de Claudel est complet.

Mais Claudel reproche à Maritain la sympathie qu’il conserve à Maurras lequel « a toujours été essentiellement et fondamentalement an­tichrétien et dont les hommages hypocrites ressemblent à ceux des sol­dats du prétoire ». Plus profondément, Claudel dénonce, même dans ce livre qu’il admire, une influence persistante de Bloy et de Maurras dans la mesure où Maritain épouse les vues pessimistes de ces auteurs sur la nature humaine et sur l’histoire de l’humanité. Ainsi, Maritain, toujours selon Claudel, idéalise le Moyen Âge considéré comme un paradis social pour mieux déprécier l’époque moderne. Par contrecoup, Claudel, refu­sant de condamner en bloc le XVIIIe et le XIXe siècle, met en lumière « ce mouvement de sentiment de la dignité humaine, de la fraternité, de con­fiance dans la raison, de conscience de la famille humaine comme for­mant un tout égal en dignité et en droit ». S’ensuit une apologie de ces époques qui ont conduit à la suppression de l’esclavage, à la fondation des États-Unis d’Amérique et à la constitution des états modernes. Claudel ne goûte donc pas cette vision d’apocalypse qui fait dénigrer le temps présent au profit d’un passé chimérique. Claudel ne saurait ap­préhender la pensée moderne à travers le prisme du catholicisme in­transigeant et de l’école contre-révolutionnaire qui a été, jusque vers 1925, celui de Maritain.

Nous ne possédons pas, hélas, la réponse de Maritain à ces repro­ches. Mais les ouvrages qui vont se succéder Religion et culture (1930), Du régime temporel et de la liberté (1933), La Lettre sur l’indépendance (1935) préparent Humanisme intégral (1936) et témoignent d’une ouver­ture et d’une évolution importantes de la pensée de Maritain, d’une véri­table aventure et d’une philosophie de l’histoire toute nouvelle. Il n’est pas impossible que Maritain se soit souvenu des objections justifiées de Claudel lorsqu’on lit dans Humanisme intégral ces lignes concernant la chrétienté médiévale et la nouvelle chrétienté : « Une expérience trop faite ne peut plus être recommencée. Du simple fait que l’homme a vécu, et vécu à fond les biens et les maux que la poursuite d’un certain idéal a fait passer dans sa chair, ces choses-là sont finies, il est impossible d’y revenir. […] Ce serait aller contre Dieu lui-même et lutter contre le su­prême gouvernement de l’histoire, que de prétendre immobiliser dans une forme du passé, dans une forme univoque l’idéal d’une culture digne de finaliser notre action »[9]. Sans doute, Maritain maintient ses jugements sévères à l’endroit de la Renaissance et de l’humanisme classique dont « le malheur est d’avoir été anthropocentrique, et non pas d’avoir été "humanisme" »[10].

Ces divergences d’appréciation n’empêchèrent pas Claudel de con­fier la Première journée du Soulier de satin, puis Jeudi des Conversations dans le Loir-et-Cher et l’essai Du mal et de la liberté à la revue-collection que constituait Le Roseau d’Or, fondé et dirigé par Maritain[11]. L’avis du philosophe avait été sollicité au sujet de certaines questions concernant l’essai Du mal et de la liberté. Maritain, qui, dans une lettre précédente du 11 décembre 1929, avait dit son « admiration pour Claudel philoso­phe », relève cette phrase admirable qu’il voudrait voir gravée dans les coeurs : « Tout homme qui ne meurt pas avec le Christ et dans la commu­nion avec le Christ meurt dans sa propre image » (lettre du 23 juillet 1930).

La lucidité du jugement de Maritain ne saurait être prise en défaut lorsqu’en juillet 1935, dans sa contribution au numéro d’hommage que La Vie intellectuelle consacre à Claudel, il évoque le génie catholique du poète « chose éminemment encombrante et de commerce malaisé ». De ce point de vue, se comprendraient, ajoute-t-il « certains aspects de la religion de Claudel, ses âpretés […] l’admirable éloquence théologique […] l’amour du baroque architectural ou pictural et du jésuite flamboyant, parfois du baroque pur et simple, ou encore d’un certain comique massif et saugre­nu, où trouve à se détendre une puissance de vitalité naturelle qui doit tout de même se faire une issue »[12]. Sous les éloges on devine quelques réticences et l’on pressent quelques inquiétudes qui vont se révéler pré­monitoires dans le cas de Maritain au sujet de la « violente polémique personnelle que cet homme prodigieusement doué pour l’écriture a cons­tamment menée contre le métier d’écrivain »[13] et contre les écrivains, pourrait-on ajouter.

Des dissentiments à la rupture

Les dissentiments constatés vont céder la place à une dissension profonde à partir de l’année 1937.

Depuis le début de l’insurrection militaire en Espagne, le 17 juillet 1936, Maritain se tenait informé des événements et avait signé l’appel lancé par Euzko-Deya pour l’arrêt des hostilités. Après le bombarde­ment de Guernica, le 26 avril 1937, Maritain prit l’initiative de rédiger le manifeste « Pour le peuple basque » signé par de nombreuses personna­lités, Mauriac, Mounier, Madaule, Merleau-Ponty, Borne, P.-H. Simon. Il fut publié, plus tard, dans La Dépêche de Toulouse le 7 mai, dans La Croix et L’Aube le 8 mai. Claudel qui venait d’écrire un poème dédié « Aux martyrs d’Espagne » note dans son Journal, à la date du 4 mai 1937 : « Madaule et Mauriac signent un factum rédigé par Maritain en faveur des traîtres basques. J’écris à cet imbécile ce que je pense de lui. »[14] Pour l’honneur de Claudel, les archives n’ont pas conservé cette lettre annoncée, mais, dans une lettre à Françoise de Marcilly, les échos de la colère se font entendre : « Depuis longtemps le doux Maritain me galope sur le système. […] Voilà où conduit le snobisme, le goût de la réclame, le mauvais français et les sympathies surréalistes »[15]. Sont ainsi rassemblés les griefs depuis longtemps contenus contre Maritain. Les réunions de Meudon de plus en plus fréquentées, les « conversions » de Cocteau, de Maurice Sachs, le succès du Roseau d’Or, l’accueil réservé à la poésie de Reverdy et de certains jeunes gens issus du surréalisme[16], le style pro­fessoral[17], tout cela agaçait Claudel qu’un état de santé, bien déficient en cette année 1937, ne rendait ni doux ni pacifique.

Maritain accomplit un geste plus important encore qui allait déchaîner l’ire publique du poète. Sous le titre « De la guerre sainte » pa­rut dans La Nouvelle Revue Française de juillet 1937, un article qui était un extrait de la préface que Maritain avait écrite pour le livre de son ami et disciple Alfred Mendizabal, Aux origines d’une tragédie. La politique espa­gnole de 1923 à 1936, publié dans la collection « Courrier des îles » fon­dée par Maritain lui-même chez Desclée de Brouwer. L’argumentation de Maritain était simple : d’une guerre civile qui est déjà une monstruosité ne faisons pas une guerre sainte ; ce serait un sacrilège et, Maritain de dénoncer les prétendues justifications invoquées par certains théolo­giens. Reprenant le proverbe portugais cher à l’auteur du Soulier de satin, le philosophe, de manière cinglante, commentait : « Il est entendu que "Dieu écrit des choses droites par des lignes tortueuses", et que le mal qu’il ne veut pas sert à ses fins comme le bien qu’il veut. Ce n’est pas une raison, saint Paul a pris soin de le dire, pour faire abonder le mal afin que le bien surabonde ; ni pour user de voies qui ne sont pas droites »[18]. Il ajoutait : « La chrétienté se refera par des moyens chrétiens, ou elle se défera complètement »[19]. L’analyse se changeait en indignation pour cul­miner dans le cri douloureux du croyant scandalisé par les atrocités commises au nom du Sacré-Coeur : « C’est un sacrilège – à forme reli­gieuse – d’affubler des soldats musulmans d’images du Sacré-Coeur pour qu’ils tuent saintement des fils de chrétiens, et de prétendre enrôler Dieu dans les passions d’une lutte où l’adversaire est regardé comme indigne de tout respect et de toute pitié. […] Un homme qui croit en Dieu sait qu’il n’est pas de pire désordre, c’est comme si les os du Christ auxquels les bourreaux du Calvaire n’ont pu toucher, étaient brisés sur la croix par des chrétiens »[20]. En conclusion, Maritain évoquait le risque d’un conflit universel et dénonçait l’indécence avec laquelle on exploite la tragédie espagnole pour faire monter partout le niveau des haines. L’engagement et l’indépendance du philosophe s’opposaient à la vision manichéenne de bien des catholiques trop enclins à soutenir Franco et à lire dans cette guerre un affrontement entre communisme et catholicisme. Le 1er juillet 1937, en même temps que cet article, avait été publiée la lettre collective des évêques espagnols. Dès août, Maritain ajoutait à sa préface un post-scriptum douloureusement ironique et dignement indépendant : « Tous les catholiques liront avec émotion et respect ce grave document […] par ailleurs nous pensons ne pas manquer en rien au respect dû à cette lettre […] en ne suivant pas le document épiscopal dans l’option sans réserves qu’il exprime en faveur du camp national »[21].

La riposte de Claudel ne se fit pas attendre. Dans le Figaro du 27 août 1937, sous le titre L’anarchie dirigée il donna une approbation cha­leureuse à la lettre de l’épiscopat espagnol qui « justifie par des argu­ments théologiques qui valent bien ceux de M. Jacques Maritain, cette dé­cision vigoureuse »[22]. Claudel, critiquant « certaines plumes catholiques » s’élevait « contre les projets extravagants de médiation qui ont été lancés par quelques idéologues », désignant ainsi Maritain, président du Comité français pour la paix civile et religieuse en Espagne. Il concluait en ces termes : « Les catholiques ont entre eux un devoir de solidarité qui doit s’exprimer autrement que par des interventions incongrues en faveur des alliés rouges à propos de scandales imaginaires » (p. 107).

Un jeune prêtre, l’abbé Henry Bars, peiné par les mots blessants de Claudel, écrivit à Maritain pour lui dire sa reconnaissance et son ad­miration. Maritain lui répondit : « Le mot de Claudel dans Le Figaro était peu de choses auprès des insultes dont il me fait largesse dans des lettres privées (adressées à des ecclésiastiques). Mais Claudel est Clau­del, et ce qui me navre le coeur, c’est l’état de misère spirituelle que cette guerre d’Espagne et l’obsession de la politique ont révélé chez une mul­titude de catholiques »[23]. Début septembre 1937, l’abbé Bars reçut une longue lettre de Claudel dans laquelle se manifeste la violente antipathie du poète pour ce « pauvre Maritain […] qui hurle, ameute l’opinion, recrute des signatures, pour un manifeste d’ailleurs grotesque », qui veut « prendre des attitudes, faire l’important, et faire tout le mal qu’on peut aux nationaux ». S’exhalent alors les reproches les plus divers et les plus constants pour justifier que Claudel n’ait « jamais eu la moindre sympa­thie personnelle pour J. M. » et ait toujours eu « horreur des gens qui écrivent en charabia ». « L’embrouillamini et le jargon » de Maritain sont comparés au plaidoyer du Sieur de Humevesne dans Rabelais[24]. « Quand il dirigeait Le Roseau d’Or, il embrumait tous les numéros des produc­tions d’un certain Reverdy et il a toujours réservé sa tendresse aux insanités des Breton, Éluard, d’ailleurs dégoûtants anarchistes et à leurs congénères de la peinture ». Bref, Maritain manque essentiellement de jugement, « de jugeotte », écrira-t-il à un autre correspondant. Et Clau­del, péremptoire de conclure : « Cet homme n’a pas la fibre chrétienne et son influence, s’il en a une, ce qui m’étonne considérablement, ne peut pas être bonne »[25].

Si inexcusable soit-elle, cette diatribe méchante peut s’expliquer par la situation de souffrance dans laquelle se trouve Claudel, catho­lique et homme d’ordre, qui estime avant tout que l’Église en Espagne est persécutée par des anarchistes et qui ne veut considérer que cela. En n’opérant pas la distinction entre le spirituel et le temporel, Claudel, paradoxalement, accorde du crédit aux thèses de Maurras, ce qu’il re­prochait, en 1927, à Maritain. « L’Église est une, et quand on la persé­cute, c’est nous-mêmes qui souffrons »[26]. De plus, lui, le poète, n’accepte pas qu’un philosophe ait pu parler de la poésie et, de surcroît, de la poésie surréaliste qu’il abhorre, comme l’a fait Maritain dans son ouvrage Frontières de la poésie, paru en 1935. Enfin, n’y a-t-il pas de la part de Claudel une amertume et une jalousie de voir le rayonnement de Mari­tain dans les milieux intellectuels et auprès de la jeunesse, alors que lui, Claudel, est tenu dans l’isolement, estime n’être le guide de personne en France où il est revenu depuis la fin de sa carrière d’ambassadeur et a été publiquement offensé par son échec à l’Académie[27] ?

Une attaque, encore plus vive, va reprendre en juin 1939 à l’occa­sion d’un article de Mauriac qui, dans un billet de Temps présent du 16 juin cite une parole de Maritain qui retentit en lui : « Tant que les socié­tés modernes sécrèteront la misère comme un produit normal de leur fonctionnement, il ne doit pas y avoir de repos pour le chrétien »[28]. Cette sentence fit l’effet d’un chiffon rouge sur le taureau claudélien qui réagit aussitôt contre cette « sottise ». L’article parut dans le Figaro littéraire du 24 juin 1939 sous le titre Attendez que l’ivraie ait mûri[29]. Maniant tantôt l’ironie « M. Jacques Maritain est un grand philosophe »… « C’est aller beaucoup plus loin que Jean-Jacques Rousseau dont notre thomiste adopte les traces », usant tantôt de l’allusion virulente et perfide en évo­quant la Terreur « oeuvre de pions, de demi intellectuels, débordants de bons sentiments, mais secs de toute charité effective, et qui devant les obstacles que la réalité opposait à la réalisation de leurs rêves, se sen­taient soulevés par une indignation vertueuse », pour finir, Claudel con­seillait au distingué professeur « d’aller prendre l’avis de ses confesseurs avant de noircir du papier à tort et à travers »[30]. Claudel faussait, de toute évidence, la pensée du philosophe en écrivant que pour Maritain le fin des sociétés modernes est de sécréter la misère, ce qui entraîne que les chrétiens doivent être « en état de mobilisation obligatoire et perma­nente contre le mal social, autrement soit dit, en état d’esprit révolution­naire »[31]. Sous la plume du poète, l’expression « sociétés modernes » se changeait en « sociétés humaines » et la proposition conditionnelle juste se transformait en proposition absolue fausse ! À ses yeux Maritain était un dangereux révolutionnaire, plus proche de Rousseau, de Robespierre et Lénine que de l’Évangile. Cette exégèse tendancieuse fera dire à Mau­riac, à propos de ce débat, dans un article de Temps présent que « l’hon­nêteté intellectuelle n’est pas toujours en raison directe du savoir, ni même du génie, et que trop souvent un clerc use de sa dialectique la plus habile pour défigurer la pensée de l’adversaire »[32].

Maritain fut peiné de « l’attaque fort vile à laquelle Claudel s’est livré »[33] et répliqua par une lettre adressée au directeur du Figaro et qui fut publiée dans le Figaro (littéraire) du 8 juillet en même temps que Quel­ques commentaires de M. Paul Claudel, commentaires auxquels Maritain répondit par un article Les points sur les i publié dans Temps présent du 14 juillet 1939. Il voulait bien attribuer à un mouvement d’humeur le contre­sens et la légèreté du propos de Claudel tout en rappelant certaines vérités : « Même un professeur, un touche-à-tout, voire atteint du tracas­sin, a droit à la commune justice (sinon à cette charité fraternelle dont M. Paul Claudel répand à foison de si émouvants témoignages) »[34]. Et Maritain de préciser : « J’ai dit que les sociétés modernes sécrètent la misère comme un produit normal de leur fonctionnement. Je n’ai pas dit, ce qui eût été une assertion simplement absurde, qu’elles ont pour fin de produire la misère »[35]. Maritain avait conscience qu’il y avait chez Clau­del une antipathie qui prenait occasion de tout mot de lui pour l’atta­quer. D’emblée, son article de Temps présent rendait compte de la mau­vaise foi à laquelle il se heurtait : « Il y a trois choses, dit un proverbe chinois, que le sage ne fait jamais : il ne laboure pas l’eau des fleuves, il n’instruit pas la bourrasque, il ne discute pas avec un homme qui n’a d’autre règle que son génie ; car le génie de cette sorte d’hommes les dis­pense de la rigueur du raisonnement, des premiers rudiments de l’objecti­vité, et de tout souci de justice à l’égard de la personne et de la pensée du prochain »[36]. C’était une manière habile de répondre aux déformations violentes et aux accusations de Claudel dont Maritain se plaignait en confiant à son ami, Charles Journet, son affliction et sa peine : « Claudel est un butor, vindicatif et haineux, il n’y a aucune raison de le traiter comme un Pape. Depuis des années il sévit en envoyant aux gens et sur les gens des lettres d’outrage et des fulminations qui rendent le catholi­cisme odieux à ceux qui en sont l’objet »[37].

Les événements tragiques imminents qui allaient secouer le monde mirent un terme à ces échanges malheureux et reléguèrent ces querelles dans un silence douloureux.

De la dissension à la réconciliation

À la Libération, Maritain, en exil aux États-Unis, fut appelé par le général de Gaulle et revint à Paris le 19 novembre 1944 pour se voir con­fier l’ambassade de France près le Saint-Siège. Claudel, à cette nouvelle, par une brève lettre, félicita Maritain pour le rôle qu’il avait joué aux États-Unis et pour ses écrits pénétrés clandestinement en France qui, durant la guerre, avaient réconforté bien des coeurs. Il ajoutait : « J’espère que vous avez oublié nos petits dissentiments, qui personnellement ne m’ont jamais empêché de reconnaître en vous un frère avec qui je suis fier de partager notre foi commune »[38]. Les violentes polémiques d’il y a cinq ans à l’aune de la tragédie s’adoucissaient en petits dissentiments !

Trois jours après, Maritain remerciait Claudel de sa lettre. Évo­quant les épreuves passées, « on est dans l’exil comme un mort qui conti­nue d’agir et de parler ; et maintenant je regarde les yeux des Français qui ont vu l’enfer », il acquiesçait à la demande de son correspondant : « Les dissentiments dont vous parlez, oui ils sont bien oubliés dans la fraternité de la foi et de la douleur ». Le débat était porté plus haut et Maritain disait sa reconnaissance à Claudel pour sa défense des Juifs persécutés et pour sa lettre de Noël 1941 au grand rabbin.

La dernière lettre de Claudel que nous ayons et qui clôt cette cor­respondance date du 13 décembre 1945[39]. Depuis le 20 avril 1945 Mari­tain était ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la Républi­que Française près le Saint-Siège. Elle témoigne de la souffrance qu’é­prouve Claudel devant le silence de Pie XII sur les horreurs de l’Allema­gne nazie concernant les Juifs. Elle ne pouvait que rejoindre la douloureu­se préoccupation de Maritain qui, bien avant 1939, avait déjà mené un combat contre l’impossible antisémitisme, et qui avait proposé, en sep­tembre 1942, de faire du Yom Kippour un jour où les chrétiens prieraient et demanderaient pardon pour les Juifs persécutés[40]. Elle n’a pu qu’encou­rager Maritain dans ses démarches auprès de Mgr Montini pour qu’il transmette à Pie XII l’appel de tant d’âmes angoissées le suppliant de faire entendre sa parole au lieu « des faibles et vagues gémissements » selon les mots de Claudel dans sa lettre.

Cette correspondance témoigne des rapports difficiles entre ces deux personnalités.

Lorsque Claudel écrivait à l’une de ses correspondantes : « Le doux Maritain me galope sur le système », la familiarité du propos révé­lait une sourde et ancienne irritation et renvoyait à une image de Mari­tain, à ce côté « Prince Muichkine » qu’acceptait difficilement le « Ture­lure », toujours un peu présent en Claudel. S’il y a, en effet, quelque rapport entre un créateur et son personnage, on est en droit de discerner certains traits ressemblants quand Turelure déclare :

 

C’est du sang que j’avais dans les veines et du sec !
Pas ce pâle jus de citrouille, mais de l’eau-de-vie bouillante telle qu’elle sort de l’alambic et de la poudre à canon
Plein de colère, plein d’idées, et le coeur sec comme une pierre à fusil ![41]

Comment Claudel, ce bâtisseur colossal, ce chrétien dionysiaque n’au­rait-il pas ressenti de l’agacement et de l’impatience devant le charme tant célébré de Maritain, tout de douceur, de transparence et de pureté. Claudel lui-même y avait été sensible. Il dira aux Fumet, après avoir ren­contré Maritain : « Quelle physionomie a Jacques Maritain ! Je ne l’avais jamais vu. C’est un saint, il n’y a qu’à le regarder ! » Il ne restera pas toujours sur cette impression car ils n’étaient décidément pas faits pour s’entendre. « Vous nous aviez pourtant dit que c’était un saint ! » lui ob­jectera Aniouta Fumet en 1936. Claudel pâlit. « Eh ! bien, gardez-le pour vous votre saint ! »[42] Trop de révérence finit par susciter le goût de la provocation.

De Julien Green à Maurice Sachs, tous ceux qui ont connu Maritain ont été frappés par la fragilité et la douceur qui faisaient songer à un être d’un autre monde, à un visage évangélique, à cet agent secret du Roi des rois, à ce merveilleux clochard, prince dans le royaume de Dieu. Cocteau a rendu ainsi cette impression : « Vous êtes un poisson des grandes pro­fondeurs. Lumineux et aveugle. […] On se demande si votre corps n’est pas une formule de politesse, un vêtement jeté vite sur l’âme pour rece­voir vos amis »[43].

En Claudel, l’enthousiasme, l’outrance, l’humeur, la flamme et la force du génie ; en Maritain, l’ardeur spirituelle, la lucidité, la nuance, la lumière et la douceur.

Cette incompatibilité de deux tempéraments s’accompagne d’une opposition entre le poète et le métaphysicien, le créateur et le professeur. Claudel, qui n’a jamais porté dans son coeur les professeurs, n’a cessé de reprocher, assez injustement d’ailleurs, à Maritain d’écrire en charabia et de jargonner[44]. Certes, la claudélienne puissance du verbe poétique qui force son passage à travers les mots s’accommode mal de l’exactitude du discours philosophique qui se doit de définir et de distinguer les con­cepts. Maritain en était conscient et, dans une belle page des Degrés du savoir, rappelait que la métaphysique est un savoir qui fait la chasse aux essences et aux définitions, alors que la poésie en captant les allusions répandues dans la nature donne un pressentiment et un désir de la vie surnaturelle : « L’abstraction, qui est la mort de l’un, l’autre y respire ; l’imagination, le discontinu, l’invérifiable, où l’autre périt, fait la vie de l’un »[45].

Ce qui irrite enfin Claudel, c’est, selon une opinion trop répandue, que les choix esthétiques de Maritain auraient été inclinés par des préoc­cupations apologétiques et par un goût d’être à la mode pour compenser la rigueur de son thomisme. En particulier, Claudel ne comprend pas l’accueil que Maritain réserve aux surréalistes « ces dégoûtants anar­chistes » qui ont adressé, naguère, l’insultante Lettre ouverte à M. Paul Claudel, ambassadeur au Japon. Claudel ne voit pas que Maritain « rivé à la pensée la plus dogmatique et la plus tranchante », s’est toujours voulu attentif aux recherches les plus extrêmes du monde moderne dans le domaine de l’art, de la culture et de la cité « pour essayer, en contem­plant notre temps, non de disperser, mais d’assumer, de réconcilier »[46]. Et précisément, aux yeux de Maritain, la grandeur du surréalisme tient à sa révolte, à son effort émouvant pour échapper à tout ce que l’expres­sion littéraire comporte de complaisance, d’ostentation, de perfection frelatée. « Comme tout ce qui ouvre une brèche, fût-ce du côté de la nuit, dans l’enceinte de ce monde, le surréalisme a eu plus d’importance que ses manifestations extérieures […] N’avait-il pas dans ses bagages un morceau déchiré du manteau de Rimbaud »[47]. Lucide sur les ambiguïtés de l’aventure surréaliste, Maritain ne démentira cependant jamais son intérêt et son respect pour le surréalisme « comme phénomène spirituel d’une intensité considérable »[48]. En s’interrogeant sur la signification fon­cière de l’art moderne, Maritain insistera sur le fait capital que l’art et la poésie ont pris conscience de leur autonomie et montrera le progrès inappréciable que constitue « l’avènement spirituel, non pas de l’ego centré sur lui-même, mais de la subjectivité créatrice »[49]. Aucun goût chez Maritain d’être à la mode, aucun désir de prendre une posture, aucune passion de convertisseur, comme le laissait entendre Claudel. Simple­ment le refus de s’absenter de l’histoire et la volonté d’affronter le plus hardiment les problèmes de notre temps.

Pourquoi donc ces violents malentendus que révèle la correspon­dance ? Les considérations précédentes suffisent-elles à rendre compte de l’animosité très dure que suscitèrent chez Claudel les prises de posi­tion de Maritain à propos de la guerre d’Espagne et de la question so­ciale ? Faut-il reprendre l’antienne du Claudel brutal, buté, injuste, iné­branlable et intolérant ?

Dans les Mémoires improvisés Claudel avoue à Jean Amrouche : « Dans les choses qu’on rejette il y a tout de même un travail de com­préhension ; si on le rejette c’est parce qu’on a essayé de comprendre pourquoi il vous rejette ou ne répond pas à vos sentiments du mo­ment »[50]. François Varillon, en une page d’une extrême justesse, évoque ce besoin de se mettre à l’abri contre un danger de dispersion, de dissipa­tion de son trésor essentiel. Il rejoint la remarque de Merleau-Ponty : « Claudel n’a jamais laissé voir à quel point il comprenait les autres. C’est pourquoi il élevait autour de lui ce rempart d’incompréhension volontaire »[51].

Il a donc fallu cinq longues années de silence, les épreuves de l’Occupation et de la guerre, pour que s’élabore en Claudel ce lent travail de compréhension, pour qu’il prenne l’initiative de la réconciliation et reconnaisse en Maritain, comme il l’écrit dans sa lettre du 15 décembre 1944, « un frère avec qui je suis fier de partager notre foi commune ».

Michel BRESSOLETTE


[1]. Dans sa lettre du 22 mai 1913 à Jacques Rivière, Claudel écrit : « Connaissez-vous Jacques Maritain, professeur de philosophie à Stanislas et protestant converti ? Il me semble un esprit très distingué ». Une lettre de Maritain à Massignon du 18 avril 1921 fait état de cette rencontre organisée par Louis Massignon le 7 avril. « J’ai été très heureux de rencontrer Claudel chez vous ».
[2]. Trois Réformateurs, in OEuvres complètes, vol. III (Éditions universitaires, Fribourg, Suisse, Éditions Saint-Paul, Paris, 1984, p. 446).
[3]. Ibid., p. 486.
[4]. Ibid., p. 544.
[5]. Lettre du 9 juillet 1925.
[6]. Discours de Mauriac recevant Claudel à l’Académie française le 13 mars 1947, OEuvres complètes, Fayard, 1950-1956, vol. VIII, p. 455 sq.
[7]. Il évoque, en particulier, le tableau du musée du Prado : Vénus avec Cupidon au joueur d’orgue. Claudel commente ce tableau du Titien dans L’OEil écoute, OEuvres en prose, p. 213, et dans Paul Claudel interroge le Cantique des cantiques, Gallimard, 1948 : « Quel éblouissement ! Le corps de la femme, ce corps vivant et palpitant, voici qu’il s’agissait d’en accueillir le mystère […] ce corps sacré, ce corps lucide, qui est une émanation de l’âme. […] cette chair de l’âme qui la pénètre de vie et de lumière, j’y vois une image de la beauté profane », p. 377 à 379.
[8]. Humanisme intégral, in OEuvres complètes, vol. VI, p. 567.
[9]. Humanisme intégral, p. 450-451.
[10]. Ibid., p. 322.
[11]. Roseau d’Or, n° 5, 1925, puis dans Chroniques du Roseau d’Or, VII, 1929, enfin Roseau d’Or, septembre 1931.
[12]. La Vie intellectuelle, n.s, XXXVII, n° 1, 10 juillet 1935, p. 26-29. Texte reproduit dans OEuvres complètes, vol. VI.
[13]. Voir Témoignages, in OEuvres complètes de Maritain, vol. VI, p. 1029.
[14]. Journal, Gallimard, Pléiade, 1969, tome II, p. 188.
[15]. Paul Claudel, Lettres à une amie. Correspondance avec Françoise de Marcilly, Bayard Éditions, 2002, p. 113 et 114.
[16]. Dans une lettre à Stanislas Fumet du 15 octobre 1926 Claudel reprochait déjà à Maritain de s’entourer au Roseau d’Or, « d’une bande de toqués » et d’accueillir des poèmes de Reverdy.
[17]. Journal de Claudel, 19 mai 1937, tome II, p. 189 : « Mar. fait comprendre la parenté entre gribouille et gribouilleur ».
[18]. Voir OEuvres complètes, vol. VI, p. 1235.
[19]. Ibid., p. 1236.
[20]. Ibid., p. 1245, p. 1249.
[21]. Ibid., p. 1255.
[22]. P. Claudel, Contacts et circonstances, Gallimard, 1947, p. 105.
[23]. Voir Sylvain Guéna, « Entre Claudel et Maritain », in Claudel Studies, vol. XXV, 1998, n° 1 et 2, p. 67 à73.
[24]. « Comment le Seigneur de Humevesne plaidait devant Pantagruel », chapitre 12, deuxième livre du Pantagruel.
[25]. Page 71. Toutes ces citations sont extraites de la lettre à l’abbé Bars publiée par Sylvain Guéna.
[26]. Ibid., p. 71.
[27]. En mars 1935 Farrère est élu à l’Académie contre Claudel. En mai de la même année, fin de la carrière diplomatique de Claudel.
[28]. Questions de conscience, Paris, Desclée de Brouwer, 1938. On trouvera le texte dans OEuvres complètes, vol. VI, p. 744.
[29]. Texte dans Claudel, OEuvres en prose, Pléiade, p. 1326 sous le titre Question sociale et questions sociales. L’expression « une sottise » est tirée du Journal de Claudel à la date du 19 juin 1939, tome II, p. 274.
[30]. OEuvres en prose, ibid., p. 1326 et 1329.
[31]. Ibid., p. 1327.
[32]. F. Mauriac, « Le coup de pouce », Temps présent, 7 juillet 1939.
[33]. Lettre du 27 juin 1939 à Charles Journet, p. 839, in Journet-Maritain, Correspondance, vol. II, 1930-1939, Éditions universitaires, Fribourg, Suisse, Éditions Saint-Paul, Paris, 1997. Maritain remercie Journet de la lettre que ce dernier a écrite à Claudel « trop coriace pour comprendre », p. 844 (30 juin 1939).
[34]. OEuvres complètes, vol. VII, p. 1132.
[35]. Ibid., p. 1139.
[36]. Ibid., p. 1139.
[37]. Lettre du 18 juillet, édition citée, p. 860.
[38]. Lettre inédite du 15 décembre 1944.
[39]. Elle a été publiée et annotée par nos soins, dans le Bulletin de la Société Paul Claudel n° 143. 3e trimestre 1996.
[40]. Voir J. Maritain, L’impossible antisémitisme, précédé d’une préface par Pierre Vidal-Naquet, Jacques Maritain et les Juifs, Desclée de Brouwer, 1994.
[41]. Suggestion de Gérald Antoine dans son beau livre Paul Claudel ou l’Enfer du génie, Robert Laffont, 1988, p. 284.
[42]. S. Fumet, Histoire de Dieu dans ma vie, Fayard-Mame, 1978, p. 231.
[43]. Voir OEuvres complètes de Maritain, vol. III, p. 664 et 666.
[44]. Bergson, J. Green, H. Bars, C. Blanchet ont chacun loué la beauté de l’écriture de Maritain. Gilson écrivait : « Il n’est pas nécessaire de lire longtemps n’importe quel livre de Jacques Maritain pour s’apercevoir qu’on a affaire avec un des tout premiers écrivains de notre temps. Ce style toujours jailli de source et dont les inventions incessantes créent une délicieuse complicité entre la métaphysique et la poésie », Le Philosophe et la théologie, Fayard, 1960, p. 219.
[45]. Les Degrés du savoir, in OEuvres complètes, vol. IV, p. 277.
[46]. Réponse à Jean Cocteau, in OEuvres complètes, vol. III, p. 725.
[47]. Frontières de la poésie, in OEuvres complètes, vol. V, p. 782.
[48]. Voir L’intuition créatrice dans l’art et dans la poésie, in OEuvres complètes, vol. X, p. 202.
[49]. L’intuition créatrice dans l’art et dans la poésie, op. cit., p. 421-423. Voir à ce sujet C. Blanchet, « Maritain face à la modernité », in J. Maritain face à la modernité, colloque de Cerisy, Presses Univer­sitaires du Mirail, 1995, p. 22 et suivantes.
[50]. Mémoires improvisés, Gallimard, 1954, p. 97.
[51]. Journal, tome I, Introduction par François Varillon, p. XXVIII. La citation de Merleau-Ponty est tirée de Signes, Gallimard, 1960, p. 396.

 

Bibliographie

Paul CLAUDEL

Le Soulier de satin, texte traduit en japonais, annoté et commenté par Moriaki Watanabe, Tokyo, éd. Iwanami, coll. de poche « Iwanami-Bunko », tomes I et II, 2005.

Françoise DUBOR et Laure ALLARD

Tête d’Or de Claudel, éd. Atlande, coll. « Clefs concours, Lettres XIXe siècle », 2005.

Madeleine et Darius MILHAUD Hélène et Henri HOPPENOT

Conversation Correspondance 1918-1974, complétée par des pages du Journal d’Hélène Hoppenot, édition avec postface établie et annotée par Marie-France Mousli, Gallimard, coll. « Les inédits Doucet », 2005.

Evelyne BLOCH-DANO

« Paul Claudel à Brangues », in Mes Maisons d’écrivains, Paris, éd. Tail­landier, 2005, p. 74-76.

Jacques TCHAMKERTEN

Arthur Honegger ou l’inquiétude de l’espérance, Genève, éd. Papillon, 2005.

Mélanges offerts à Jacques HOURIEZ

Regards sur Paul Claudel et la Bible, textes présentés par France Marchal-Ninosque et Catherine Mayaux, Besançon, Association pour la Recherche Claudélienne, éd. Poussière d’Or, 2006.

Didier ALEXANDRE

« La bombe Tête d’Or », p. 11-24 (note 1)
« Le triomphe de Paul Claudel », p. 11-25 (note 2)

Pascale ALEXANDRE-BERGUES

« Les paysages de Tête d’Or », p. 25-38 (note 1)
« Le poète et l’Amérique : les paysages de L’Échange », p. 242-252 (note 4)

Michel AUTRAND

« Le terreau symbolique et français de Tête d’Or », p. 39-50 (note 1)

Guy BEDOUELLE

« Jeanne d’Arc au bûcher. Un "dithyrambe" de l’Église », p. 85-94 (note 3)

Georg BRANDES

« Nouvelle et étrange poésie » (1906), traduit du danois par Dea Jespersen, p. 159-165 (note 2)

Michel BRESSOLETTE

« La correspondance Claudel-Maritain (1921-1945) », p. 207-231 (note 2)

Shinobu CHUJO

« Le "Choeur" claudélien », p. 87-99 (note 1)

Yvan DANIEL

« Om, ka, kha, ga, gha, na ! : théâtralité de la Chine dans l’oeuvre dramatique de Paul Claudel », p. 67-86 (note 1)

Anne DELBÉE

« Tête d’Or ou le désir cru », p. 51-60 (note 1)

Nicolas DI MEO

« Imaginaire de l’espace et voies du salut dans Le Soulier de Satin et Le Livre de Christophe Colomb », p. 253-264 (note 4)

Philippe DOCKWILLER

« Sous l’aile des Chérubins, la Gloire et la Croix », p. 65-84 (note 3)

Michael DONLEY

« Paul Claudel (1868-1955) – poet of sacred cosmos », in Temenos Academy Review, n° 8, 2005, p. 34-57.

Luc FRAISSE

« Figures de l’écrivain dans Tête d’Or », p. 61-76 (note 1)

Elena GALTSOVA

« Dostoïevski dans les écrits autobiographiques et la correspondance de Paul Claudel », in Hallucinations [Navazdenija] Contributions à l’histoire de « l’idée russe » dans la littérature française du XXe siècle, actes du colloque franco-russe (St-Pétersbourg, 2-3 juillet 2001), Moscou, éd. Nauka, 2005, p. 76.

Yvan GARROUEL

« Tête d’Or au sein d’un théâtre vivant », p. 77-96 (note 1)

Emmanuel GODO

« Surprendre la mélodie du monde. Paul Claudel ou l’espace de la joie », p. 177-198 (note 4)

Sylvie GORAJ

« Donner à voir l’espace d’écriture : Claudel, Dotremont et Michaux », p. 293-304 (note 4)

Serge GORIELY

« Claudel, Kalisky et le regard infini », p. 279-292 (note 4)

Yves HABERT

« La rencontre de Paul Claudel avec Israël », p. 53-64 (note 3)

Jacques HOURIEZ

« Paul Claudel concepteur de ville », p. 175-189 (note 2)

Emmanuelle KAËS

« "Les laïcs eux-mêmes tout seuls devenus tableaux", Claudel face à la peinture hollandaise », p. 141-155 (note 2)

Michael G. KELLY

« Entre création et espace pur. Situation du sujet poétique dans les Cinq Grandes Odes », p. 213-226 (note 4)

Pascal LÉCROART

La collaboration méconnue entre Paul Claudel et Paul Hindemith : ite, angeli veloces » p. 191-206 (note 2)

Michel LIOURE

« Tête d’Or 1949 : "un regard en arrière" », p. 97-108 (note 1)
« Paul Claudel : un autoportrait », p. 27-41 (note 2)

Sever MARTINOT-LAGARDE

« Claudel et la comédie espagnole du Siècle d’Or : La Jalouse d’elle-même de Tirso de Molina, Protée et Le Soulier de satin », p. 101-121 (note 2)

Dominique MILLET-GÉRARD

« Les liturgies de Tête d’Or », p. 109-126 (note 1)
« Dieu parle : la figure de prosopopée dans l’exégèse claudélienne », p. 123-140 (note 2)
« Claudel, l’Église et les hommes d’Église », p. 33-52 (note 3)

Marie-Victoire NANTET

« Mémoire improvisés "comme s’il était permis à quelqu’un d’étreindre son passé !" », p. 43-65 (note 2)

Thi Hoai Huong NGUYEN

« L’eau et la liquidité dans l’espace claudélien », p. 199-212 (note 4)

Séverine N’GUYEN-PRUVOT

« Claudel à l’oeuvre dans Dimanche », p. 233-265 (note 2)

Claude-Pierre PEREZ

« Claudel seul à pied dans Paris », in Paris, sa vie, son oeuvre, Actes du 8° colloque des Invalides, textes réunis par Jean Jacques Lefrère et Michel Pierssens, éd. du Lérot, Tusson, 2005.
« Tête d’Or : la force et le sens », p. 127-138 (note 1)
« Le "dur compagnon" : Claudel et Rodin » p. 157-174 (note 2)

Pierre PIRET

« Le Pari de Claudel », p. 265-278 (note 4)

Sylvie THOREL-CAILLETEAU

« Sang chrétien, flots rhythmiques », p. 139-158 (note 1)

Xavier TILLIETTE

« Claudel bibliste », in L’Europe unie et le christianisme, Communio, XXX, 3 n° 179, mai-juin 2005, p. 91-94.

Simonetta VALENTI

« Les trois Visages de Rome dans Le Père humilié de Paul Claudel », p. 227-240 (note 4)

Myriam WATTHE-DELMOTTE

« Regards sur l’espace claudélien. Hommage au chanoine Albert Milet », p. 171-175 (note 4)

Marie-Joséphine WHITAKER

« Connaissance de l’Est. Le Paysage », deuxième partie, in Bulletin de l’Association pour la Recherche Claudélienne n° 4, année 2005, p. 2-32.

 

PUBLICATIONS DIVERSES

Société Paul Claudel en Belgique, Bulletin n° 51, année 2006.
Bulletin de l’Association pour la Recherche Claudélienne n° 4, année 2005.
Paul Claudel (1868-1955). Mémoire d’acteurs, in Les 4 saisons, publication de l’Union Catholique du Théâtre et de la Musique (UCTM) n° 273, décembre 2005.

note 1 : Voir Tête d’Or, actes du colloque de la Sorbonne du 14 janvier 2006 organisé par le Centre de recherche sur la Littérature française du XIXe siècle de l’Université Paris-Sorbonne et la Société des études roman­tiques, sous la direction de Dominique Millet-Gérard et José-Luis Diaz, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne (PUPS), 2006.

note 2 : Mémoires de Paul Claudel, textes réunis par Pascale Alexandre-Bergues et Didier Alexandre, Revue des Sciences Humaines n° 279, 3/2005.

note 3 : « Paul Claudel cinquante ans après sa mort », colloque de Fribourg du 11 mai 2005, in Pierre d’angle n° 11/2005.

note 4 : « Dossier l’espace claudélien », in Les Lettres Romanes, Université catholique de Louvain, tome LVIII n° 3-4, 2004.