Bulletin de la Société Paul Claudel, n°169

Sommaire

Gérald ANTOINE
– Hommage à Robert Mallet, 2

Antoinette WEBER-CAFLISCH
– Une nouvelle grande représentation du Soulier de satin, 5

Dominique MILLET-GÉRARD
– Urs von Balthasar et Le Soulier de satin, 19

Yehuda MORALY
– Du Soulier de satin aux Enfants du Paradis, 32

En marge des livres
– Jacques HOURIEZ : Colette Barbier, Henri Hoppenot diplomate, 39
– Michel MALICET : Xavier Tilliette, Jésus romantique, 42

Notes de lecture
– Guila Clara KESSOUS : Le Soulier de satin de Paul Claudel et Le Dibbouk de Paul An-Ski, 43
– Marie-Victoire NANTET : « Le roman qui ‘inspira’ Le Soulier de satin de Claudel »
par Antoinette Weber-Caflisch, 44
– Jacques PARSI : Fascination pour un titre : Le Petit Soulier de satin, comédie portugaise, 46
– Jens ROSTECK : Une nouvelle traduction allemande du Soulier de satin, 47
– Michel SERRAULT : « Claudel et la Comédie-Française », 51

Théâtre
– Pierrick de CHERMONT : « Judith & Béatrice », 53
– Michel MURAT : La Cantate à trois voix, 55

Bibliographie et discographie, 57
Conférences et colloques, 60
Annonces, 61

Comptes rendus des Assemblées générales du 11 janvier 2003
– Assemblée générale de la Société Paul Claudel, 63
– Statuts de la Société des Amis de Paul Claudel, 68
– Assemblée générale de l’Association des Amis du Château de Brangues, 70

 

Du Soulier de satin aux Enfants du Paradis

Entre 1942 et 1943, Jean-Louis Barrault est à la fois la cheville ouvrière de deux entreprises colossales : la mise en scène du Soulier de satin à la Comédie-Française (dans une version scénique élaborée avec Claudel), et le tournage des Enfants du Paradis, projet dont il est à la fois l’instigateur et le personnage principal. Dans Ma vie à belles dents, Marcel Carné évoque le rôle déterminant que Barrault1 a eu dans la conception du projet des Enfants du Paradis et la redoutable concurrence que la mise en scène de la pièce a fait au tournage du film. En 1942, après le triomphe remporté par Les Visiteurs du soir, Carné et Prévert, sur la Côte d’Azur, en zone libre, cherchent un nouveau sujet2 :

C’est alors que désœuvrés et en proie à un certain agacement – comme le connaissent bien les réalisateurs en quête d’un sujet qui se dérobe, nous nous heurtâmes, Jacques et moi, à Jean-Louis Barrault, flânant le nez au vent sur la Promenade des Anglais […]

Barrault nous entretenait naturellement de théâtre. Encore de théâtre. Toujours de théâtre. Les anecdotes succédaient aux anecdotes, lorsque l’une d’elle nous fit dresser l’oreille, à Jacques et à moi.

Il s’agissait d’un fait divers, extrêmement curieux, survenu dans la vie du mime Deburau. Un jour, parvenu au faîte de la gloire, il se promenait, une maîtresse à son bras, sur le fameux Boulevard du Crime. Soudain, un poivrot se mit à injurier la jeune femme. Il ne la connaissait pas et n’avait aucune raison, sinon l’ivresse, d’agir ainsi. Deburau voulut éloigner l’importun. Mais, avec la tenace obstination des ivrognes, celui-ci s’acharnait à injurier de plus en plus grossièrement l’amie du mime. Devenu soudain furieux, celui-ci frappa le pochard à l’aide de la canne qu’il tenait à la main. Le coup qu’il lui porta à la tête était si violent que l’homme en mourut.

Je ne sais si la scène est authentique, je la relate telle que Barrault nous l’a décrite. L’originalité du fait divers résidait en ceci : tout Paris s’était précipité aux assises pour entendre parler Deburau !

L’idée nous parut sensationelle […] Tout allait trop bien pour qu’une ombre ne vînt pas ternir le miroir. Barrault avait signé à mon insu à la Comédie-Française pour la mise en scène du Soulier de satin. L’administrateur d’alors, n’aimant pas le cinéma, mettait une réelle mauvaise volonté à faire coïncider les dates […]

Décidé à ce que Barrault interprète le film, je demandai avec insistance à Paulvé de signer au futur créateur de Baptiste un contrat dans lequel il était spécifié qu’on l’emploierait les jours où la Comédie-Française pourrait se passer de ses services. Les répétitions du Soulier de satin ne commençant qu’après notre retour de Nice, la chose ne paraissait pas complètement impossible.

Paulvé, comme on peut l’envisager, se récria. Je lui jurai que la production ne subirait aucun retard. Les jours où Barrault ne serait pas disponible, je m’arrangerais pour tourner des scènes auxquelles il ne participait pas. Paulvé finit par accepter3

Pourtant, Carné pense un moment remplacer Barrault par Jacques Tati, acteur de music-hall alors obscur mais dont le physique était plus proche de celui du Deburau historique.

Barrault, dans ses Souvenirs pour demain, évoque en outre toute une documentation sur le mime qu’il transmet au poète à qui le nouent de profonds sentiments d’amitié. Les deux projets se développent donc parallèlement. D’amusantes anecdotes montrent l’acteur-metteur en scène sauter du studio où il tourne le film, à la Comédie-Française, pour mettre en scène la pièce, le visage enduit du maquillage de Baptiste qu’il n’a pas eu le temps de nettoyer. Barrault savait passer de l’un à l’autre de ces mondes qui semblent si parfaitement antithétiques : celui de Prévert l’anarchiste et celui de Claudel. Or, entre la pièce et le scénario (écrit par Prévert très rapidement, en quelques mois, après la rencontre avec Barrault) existent des similitudes de structure qui font refléchir.

Les personnages du film viennent droit d’un livre de Jules Janin, Deburau. Dans ce livre, très habilement, Prévert a puisé les éléments qui lui ont servi à élaborer des personnages : Deburau, le vilain petit canard, son père, qui méconnaît son talent, Mlle Levaux, passionnément amoureuse du mime qui l’ignore, la spectatrice mystérieuse qui deviendra Garance, la participation de Frédérick Lemaître à ses débuts, dans le spectacle de pantomime. Mais cette galerie de personnages a besoin pour s’animer d’une structure4, d’un schéma dramatique, et c’est là qu’intervient, inconsciemment ou pas, le souvenir de la lecture de cette pièce que son ami Barrault met en scène, interprète, et dont, sans doute, il n’arrête pas de parler. Les personnages pris dans le livre de Janin vont obéir à l’écho de la structure du Soulier de satin.

Précisons, par un exemple, ce que j’entends par écho de structure. Dans le petit livre de Janin, Prévert trouve un passage très amusant, une liste des accessoires du Théâtre des Funambules :

Liste générale des accessoires du Théâtre des Funambules :
[…] Un paquet d’assignats
Quinze squelettes
Trois chiens aboyants
Un chat noir
Un paon
Un coq
Deux mortiers
Deux boulets de canon
Deux canons
Un faucon vivant5

Il y en a ainsi quatorze pages. Jacques Prévert n’en recopiera pas un mot – mais la structure de cette liste saugrenue lui servira de point de départ pour un de ses plus fameux poèmes, Inventaire. Un grand poète sait faire de la poésie de tout.

Quels sont les éléments des Enfants du Paradis qui semblent faire écho au Soulier de satin ?

1. Le film, comme la pièce, est une épopée historique aux dimensions colossales. Claudel et Barrault ont d’abord envisagé de présenter les quatre journées du Soulier de satin en deux soirées. Carné et Prévert vont présenter leur épopée cinématographique en deux périodes (Le Boulevard du Crime et L’Homme Blanc) projetées dans deux cinémas différents. La pièce et le film, en 1943, loin du douloureux reél, font revivre des époques glorieuses : celle où le catholicisme triomphe, celle où le théâtre (français !) était tout-puissant6.

2. Au centre de l’épopée théâtrale, une femme, Prouhèze, relie des personnalités très diverses, représentant chacune un aspect du Siècle d’or espagnol : l’ancienne Espagne, la Tradition (Don Pélage, son premier mari), l’Islam, l’Afrique (Camille, son deuxième mari), l’Appel du Nouveau monde (Rodrigue, l’homme qu’elle n’a jamais cessé d’aimer). Prévert adopte une solution similaire pour sa fresque historique. Au centre de l’épopée cinématographique, une femme, Garance, relie des hommes très divers. Comme dans la pièce, ils représentent chacun un aspect de la société bigarrée que le film dépeint : Lacenaire (les bas-fonds), Frédérick Lemaître (le théâtre), le comte de Mettray (l’aristocratie). Quant à Deburau, l’homme qu’elle n’a jamais cessé d’aimer, fût-ce, loin de lui, entre les bras des autres partenaires, c’est l’appel de cet au-delà humain qu’est la poésie.

3. Surtout, les mêmes liens vont lier la femme à ses différents partenaires. La naissance brutale de l’amour provoque l’abandon du premier partenaire (Don Pélage, Lacenaire). Le premier rapport physique est extrêmement problématique, immédiatement suivi de fuite, bien que l’amour ressenti reste intact. Le personnage féminin se lie alors avec un nouvel homme pour qui elle n’éprouve aucun sentiment mais qui va être l’époux officiel (Camille), l’amant officiel (Frédérick, le Comte). Dans Le Soulier de satin, Prouhèze, mariée à Don Pélage, est dévorée d’un amour violent pour Rodrigue. Or, cet amour, réciproque, parfait, ne se concrétise presque pas. Ils n’ont de rapports qu’une seule fois. Aussitôt Rodrigue fuit. On assiste au même déroulement de faits dans le film. Garance tombe immédiatement amoureuse de Baptiste, Baptiste de Garance et leur amour reste aussi violent jusqu’à la fin du film. Or, cet amour parfait, de toute une vie, ne se concrétise, comme dans la pièce, presque pas. Après la première rencontre dans la chambre d’hôtel, aussi inexplicablement que Rodrigue, Baptiste fuit. Dans la pièce, bien que toujours follement amoureuse de Rodrigue, Prouhèze épouse Camille qui l’aime et qu’elle n’aime pas. Dans le film, bien que toujours amoureuse de Baptiste, Garance commence une liaison avec Frédérick puis avec le Comte, qui l’aime et qu’elle n’aime pas.

4. Suit, dans la pièce et dans le film, une très longue période (dix ans dans la pièce, six ans dans le film) où, séparés, les amants (ceux de la scène, ceux de l’écran), continuent à être brûlés d’une passion dont rien ne peut faiblir la violence. Puis, soudain, par l’intermédiaire d’une lettre qui arrive au Mexique avec dix ans de retard, Prouhèze réapparaît. Garance, qui languissait aux Indes ou en Écosse aux côtés du Comte, comme Prouhèze aux côtés de Camille languit à Mogador, soudain réapparaît. Pour rejoindre Prouhèze, Rodrigue, scandaleusement, abandonne ses responsabilités de Vice-Roi. Pour rejoindre Garance, Baptiste interrompt le spectacle d’une manière aussi irresponsable que Rodrigue abandonne ses fonctions.

5. Et voici maintenant, dans la pièce et dans le film, la deuxième grande scène entre les amants7. On aurait pu croire qu’enfin rassemblés, ils vont pouvoir s’aimer. Pas du tout. Dans le film, exactement comme dans la pièce, bien qu’enfin assemblés, bien que toujours dévorés l’un pour l’autre d’un amour parfait, les deux amants s’éloignent l’un de l’autre, Prouhèze de Rodrigue, Garance de Baptiste.

6. La pièce et le film se terminent par un amer carnaval. Claudel voulait que, comme dans les tétralogies grecques où le drame satyrique complétait, en les parodiant, les trois premières pièces, la quatrième journée du Soulier de satin soit une explosion burlesque où l’absurde (apparemment) triomphe. Il écrit alors ce final, Sous le vent des Îles Baléares, d’un ton si différent, si extravagant, que Barrault l’a monté à part, en 1972. Comme la pièce, le film se termine par un terrible carnaval. C’est le Mardi Gras. Sur le Boulevard du Temple, tous, cette année, ont choisi de se déguiser en Baptiste. Mais le vrai Baptiste, fou de douleur, poursuit Garance qui s’enfuit. Dans le scénario original (publié en 1999 aux Éditions de Monza), Baptiste tue alors le vieux Marchand d’habits (Josué, Jéricho) qui tente de s’interposer entre eux. Dans la version projetée, amputée, en 1944, de ce meurtre, l’absurde triomphe. Les deux amants se séparent dans les chants de joie de la rue, les farandoles du carnaval, la musique de la joie d’un monde qui n’est que chaos.

Lorsque Carné et Prévert ont rencontré, en 1942, Barrault sur la Promenade des Anglais, il s’est mis à parler « de théâtre. Encore de théâtre. Toujours de théâtre. » L’acteur racontait sans doute Le Soulier de satin. Les similitudes de structure entre la pièce et le film me semblent trop nombreuses pour être fortuites. Les personnages puisés dans le beau livre de Jules Janin attendaient, pour s’animer, une structure : Le Soulier de satin l’a fournie. La présence de Barrault, ami et collaborateur, à la fois de Prévert et de Claudel, vedette, à la fois, des deux entreprises, peut rendre vraisemblable cette influence du Soulier de satin sur la rédaction des Enfants du Paradis. Le théâtre et le cinéma ne sont d’ailleurs des domaines étanches que dans la recherche théâtrale ou cinématographique. Nombreux sont les cinéastes utilisant pour leurs scénarios des modèles théâtraux qui, transposés dans une réalité differente revivent de manière totalement nouvelle, originale8.

Ce qui frappe d’ailleurs lorsqu’on refléchit aux deux œuvres, c’est l’inversion du propos. L’absurde (le carnaval de la quatrième Journée) n’est, dans Le Soulier de satin, qu’une étape destinée à montrer qu’il n’y a pas d’absurde. L’ancien Vice-Roi est vendu comme esclave, mais Rodrigue est arrivé à ce point de son évolution spirituelle que rien n’est pour lui absurde. Cette nuit (cauchemardesque) est « une nuit si belle », la fille qu’il a eue de Prouhèze va épouser Jean d’Autriche, le fils de Doña Musique. L’apparente catastrophe de sa vie personnelle, le sacrifice de Prouhèze permettent peut-être la victoire de la foi sur laquelle se termine la pièce, comme l’obscur sacrifice de Violaine permet l’aventure de Jeanne d’Arc. L’absurde n’est qu’apparent. Claudel suggère que, par le destin de différentes générations un autre ordre (au-delà de la raison humaine) se rétablit. Toutes les pièces de Claudel commencent par le chaos et se terminent, non par l’ordre, mais par une compréhension du chaos comme ordre différent. Cette intuition de l’organisation du chaos rejoint l’effet de mise en scène sur lequel Claudel est le plus revenu (le chaos musical orchestré) et le proverbe portugais en exergue de la pièce. Oui, tout s’écrit droit avec des lignes tordues.

Il est en tout autrement dans Les Enfants du Paradis. On se souvient que le point de départ du scénario est un meurtre absurde. Deburau tue un inconnu sur le Boulevard du Crime. Cet inconnu deviendra dans le film de Carné un personnage de mélodrame, le vieux Marchand d’habits, aux couleurs sémites, responsable, à tous les plans du Mal. Baptiste assassinant (sur scène et dans la réalité) le vieux Marchand d’habits, lugubre représentant d’une morale étouffante, hypocrite, se révolte contre le mauvais ordre du monde. Ce vieil homme barbu est juif peut-être (il s’appelle Josué, Jéricho, il vend de tout, des couverts volés et les voleurs eux-mêmes, c’est l’incarnation du monstre social que les Parisiens ont rencontré en 1942 au Palais Berlitz dans l’exposition Le Juif et la France). Au delà du Juif, c’est le Créateur, dont la morale tyrannique empêche Baptiste d’être heureux avec Garance.

En 1943, Claudel voulait écrire un vaudeville, L’affaire du cochon tricolore9. Ne se sentant plus posséder la verve nécessaire à l’écriture d’un tel projet, il demanda à Barrault de contacter Jacques Prévert. Peut-être celui-ci serait-il disposé à collaborer à un tel projet ? Barrault ne transmettra pas la proposition à Prévert. En fait, la collaboration, si invraisemblable, entre Claudel et Prévert avait peut-être déjà eu lieu. Dans l’écriture du scénario des Enfants du Paradis, il semble bien que, consciemment ou pas, Prévert ait emprunté à la pièce de Claudel son schéma dramatique, tout en inversant les messages10.

 

Yehuda MORALY

 

 

 


1. Rappelons que Barrault était très proche à la fois de Prévert, dont il avait monté une pièce et de Carné qui l’avait choisi pour être William Kramps, le loufoque « tueur de bouchers » de Drôle de Drame (1937).
2. Prévert et Carné voulaient réaliser une adaptation de Nana mais le producteur, André Paulvé, ne put se procurer les droits du livre. Ils pensent alors à Milord l’Arsouille, où Pierre Brasseur aurait pu briller de tous ses feux mais l’idée est également abandonnée.
3. Marcel Carné, Ma vie à belles dents, L’Archipel, Paris, 1996, p. 180-185. Le tournage des extérieurs devait s’effectuer à Nice, aux Studios de la Victorine, à partir d’août 1943, le tournage des intérieurs à Paris.
4. Sacha Guitry s’est aussi servi du livre de Jules Janin pour son Deburau (1918). Mais la pièce de Guitry n’a rien à voir avec le film de Prévert, à l’exception d’un personnage, Mme Rabouin, qui deviendra le Marchand d’habits.
5. Jules Janin, Deburau, histoire du Théâtre à quatre sous, Paris, Librairie des bibliophiles, 1881, p. 161-174.
6. À travers les naissantes carrières de Deburau (la pantomime) et de Frédérick Lemaître (montré, dans le film, comme un improvisateur), nous assistons aux débuts du théâtre moderne, le triomphe du théâtre pur sur le texte.
7. Dans la pièce, le rapport physique a lieu dans la première rencontre, l’abandon dans la seconde. Dans le film, c’est le contraire, la première rencontre est interrompue par la fuite de Baptiste, et c’est la seconde fois qu’aura lieu, six ans plus tard, le rapport physique. Ajoutons, pour renforcer le parallèle, que les scènes entre les amants séparés par des années d’absence, ont lieu dans le même endroit (Mogador pour Le Soulier de Satin, la misérable chambre d’hôtel pour Les Enfants du Paradis).
8. Bergman, metteur en scène de théâtre et de cinéma, se souvient dans l’écriture de ses scénarios des pièces qu’il a lues ou mises en scène. Through a glass, darkly est une adaptation suédoise (et camouflée) de La Mouette, mise en scène un an auparavant. Fanny et Alexandre est un vague écho d’Hamlet. Dans le domaine français, Jean Renoir (La Règle du Jeu), René Clair (Les Grandes Manœuvres), Jacques Demy (Les Parapluies de Cherbourg) utilisent, de manière géniale, des modèles théâtraux connus et rendus méconnaissables dans leurs scénarios. Shakespeare, Molière et Racine, pour leurs pièces, agissaient de même.
9. Voir Cahiers Paul Claudel X, Gallimard, Paris, 1974, p. 118.
10. Il y a un autre rapprochement que je n’ose faire qu’en note. On sait que Genet connaissait bien Claudel. Il cite souvent Le Soulier de Satin dans Le Captif Amoureux. Dans Les Paravents, comme dans Le Soulier de Satin ou L’Annonce faite à Marie, l’aventure spirituelle de Saïd (sa descente vers le mal), permet la révolution algérienne, de même que le sacrifice des deux amants permet la victoire de la foi. Les deux monuments théâtraux se terminent par la fin sordide d’un héros qui, obscurément, a permis, sur un plan plus général, le triomphe.

 

 

Bibliographie

Paul CLAUDEL

I Believe in God (Je Crois en Dieu, 1961), choix de textes par Agnès du Sarment, introduction d’Henri de Lubac s.j., traduction d’Helen Weaver, San Francisco, éd. Ignatius Press, 2002.
Arte poetica (Art poétique), introduction et traduction de Filippo Fimiani, Milan, éd. Mimesis, 2002.
Il Cammino nell’arte (« Le chemin dans l’art ») ; Il Poeta et il Vaso d’incenso (Le Poëte et le vase d’encens), traduction de Maria Antonietta Di Paco Triglia, Pise, éd. ETS, 2002.

Didier ALEXANDRE

– « Claudel et Mauriac, lecteurs de Francis Jammes », in Mauriac-Claudel le désir de l’infini. Actes du colloque du Sénat et de la Sorbonne réunis par Jean-François Durand (colloque organisé par l’Association internationale des amis de François Mauriac les 24-25-26 octobre 2001), Paris, éd. L’Harmattan, 2003, p. 69-90.

Michel AUTRAND

– « Marie Bell interprète de Claudel et Mauriac », id. précédent, p. 227-244. – Notes additionnelles 1 et 2 : « Claudel et l’Ode au Maréchal » et « Claudel et l’antisémitisme », p. 281-284.

Pierre de BOISDEFFRE

– « Claudel et Mauriac dans leur siècle », id. précédent, p. 17-23.

Joseph BOLY

– « Promenade au village avec Paul Claudel » et « Brangues à l’ombre du Roi », in Métaphores du passage, Bruxelles, éd. Coopération par l’Éducation et la Culture, 2002, p. 35-42.

Jean-Paul BOURCHEIX

– « La vertu d’espérance chez Claudel et Mauriac », in Mauriac-Claudel le désir de l’infini, op. cit., p. 191-212.

Michel BRESSOLETTE

– « Paul Claudel et François Mauriac interrogés par Jean Amrouche », id. précédent, p. 245-258.

Gérard CHALAYE

– « Mauriac-Claudel : 1939-1945 », id. précédent, p. 259-280.

André DABEZIES

– « Claudel et Mauriac : de l’amour humain à l’amour divin », id. précédent, p. 135-145.

Jean-François DURAND

– « Avant-propos », id. précédent, p. 5-10 – « Mauriac claudélien, Claudel mauriacien », p. 91-101 – « Le désir de l’infini : Rimbaud-Mauriac-Claudel », p. 121-133.

Michel DYÉ

– « Le thème du renoncement dans Les Mal-Aimés et La Jeune fille Violaine (2e version) », id. précédent, p. 169-189.

Jacques JULLIARD

– « Introduction », id. précédent, p. 11-16.

Kira KARCHLIAVIC

– « Thérèse Desqueyroux et Sygne de Coûfontaine : problèmes de la liberté et de l’entrave », id. précédent, p. 213-223.

Pascal LÉCROART

– « La collaboration Claudel-Honegger : vers une épreuve de la danse », in Bulletin de l’Association Arthur Honegger, n° 9, Paris, janvier 2003.

Michel LIOURE

– « Figures de l’hôte dans le théâtre de Claudel », in L’hospitalité au théâtre, Clermont-Ferrand, éd. Presses Universitaires Blaise Pascal, 2003, p. 13-23.
– « Souffrance et bonheur du chrétien dans le théâtre de Claudel », in Mauriac-Claudel le désir de l’infini, op. cit., p. 147-168.

Jacques MENY

– « Antoine Vitez et Paul Claudel », id. précédent, p. 285-302.

Jacques METTRA

– « Le féminin et son symbolisme chez Paul Claudel » – « Le mythe d’Hélène dans le Protée de Paul Claudel » – « Présentation de Tête d’Or de Paul Claudel » – « La bacchanale dans la poésie de Paul Claudel » – « Marie Madeleine, ou “Celle qui veut plus” dans l’œuvre de Paul Claudel », in Parcours à travers les Lettres françaises, Domont, éd. Textes & Prétextes, Dupli-Print, 2002.

Dominique MILLET-GÉRARD

– « Anima figure de l’intériorité poétique », in Literatura mit sacrum Kultura, Rédaction Maria Cymborska-Leboda et Witold Kowalczyk, Lublin, Université Marie Curie, « Rossica Lublinensia », 2002, p. 61-75.
– « Verbum et poetica fabula dans l’exégèse claudélienne », in Figures bibliques, figures mythiques, éd. ENS rue d’Ulm, coll. coup d’essai, 2003.
– « La figure du Christ chez Mauriac et Claudel », in Mauriac-Claudel le désir de l’infini, op. cit., p. 27-52.

Jens ROSTECK

– « L’Orestie d’Eschyle de Milhaud et Claudel », in Lexicon der Oper (Dictionnaire de l’opéra), deux volumes édités par Elisabeth Schmierer, Laaber, 2002, vol. II, p. 290-293.

André SÉAILLES

– « Deux poètes chrétiens devant le mythe de Rimbaud », in Mauriac-Claudel le désir de l’infini, op. cit., p. 103-118.

Bernard C. SWIFT

– « Claudel et Mauriac : témoins du Symbolisme », id. précédent, p. 53-68.

 

DISQUES

Paul CLAUDEL

Le Chemin de la Croix, lu par Georges Wilson. Improvisation à l’orgue de la cathédrale de Laon par Thierry Escaich, éd. CAL, 9523 Conseil général de l’Aisne.
L’Orestie, musique de Darius Milhaud, enregistrement du concert donné le 16 novembre 1976 par le chœur et la maîtrise de l’Orchestre philharmonique de Radio-France dirigé par Manuel Rosenthal.